Journal de sensations

Ensemble de 9 recueils de poèmes

Pendant une vingtaine d’années, se sont écrites ces notes intérieures, d’abord enfouies, organiques, au rythme de l’être qui ne se sait pas encore Être. Puis se tournant, imperceptiblement, vers l’autre et la lumière… Ou la lenteur végétale des arbres, poussés intérieurement par l’irrépressible montée de leur sève.

« Sèves et veines », le premier volume, est paru aux éditions Isolato. Il contient les recueils « Chuintements », « Lents Roulis » et « Sèves et veines ».

« Tout ce Bleu  /  Autres Eaux  /  Pleins Replis », puis « Or Âcre  /  Né(e) », et « Carnet du désenfouissement » qui complètent ce journal, en neuf moments, comme les neuf mois d’une naissance, sont encore les manuscrits dont voici ces extraits.

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Extraits du Carnet du Désenfouissement.

[Où la voix a enfin trouvé sa lumière. L’œil désormais se sait œil, il en jouit et en parle.]

Pas de bruit
de brillance
 
ce qui m’arrive
est tout dedans
 
dans le silence
de mes nuits
 
*
 
Rien
qui ne mérite
son chant
 
*
 
Certains jours
sentiment que tout, le moindre
remuement de feuille, je peux
le contenir dans mes mots
 
d’autres
je ne sais pas même
ce qui me contient
 
*
 
À travers le noir
parfois, une brèche
où glisser
la main
– on tâte le mot
on ne comprend
rien
 
– le mot vient
on ne comprend
qu’à la fin

*

Assise derrière la vitre. M’efforce à dire les arbres, l’allée, les flaques au milieu qui leur servent d’ombres en ces jours sans lumière. Alors qu’entre les branches on cherche à capter une autre lumière. Celle de ce qui, malgré tout ce qui n’est plus, est encore. Celle qui éclaire le chemin devant nous, dans le tout petit orbe que fait la lanterne sur les cailloux. Cette lumière-là. Qui égrène le chemin : les pas, les pierres, un peu d’herbe. Juste cela. À bout de bras, la lanterne. Et voir. Et lorsqu’on rentre à la maison, y déposer les mots, vite en ressortir. Il fait plus chaud dehors.

*

Sur la rive

du silence

haler

le mot juste

*

Senteur tonique

de sève et d’embruns

comme un encens salé

je ne veux pas quitter

ce lieu fécondé

Extraits des précédents tomes de ce journal de sensations (Les / séparent chaque vers. 2 // correspondent à un saut de ligne) :

Tout ce bleu

Le soir vient/tout s’enbleute/mais un bleu fin/détricoté/à peine sur toutes choses/dehors

Les arbres y font des plis/menus ou durs/le ciel en est tout froissé/dans

j’aimerais réagir/tout le temps, beaucoup/à ce qui m’est là/devant les yeux/chaque fois /Que je prends/tel le peintre le crayon/ici là exactement quoi ?/dès lors se lève – quand cela veut/le voile du vu sur les choses/et tout alors m’égrène/son dit léger

Cette main seule./Le plaisir de ce simple outil./Cette main-là, gauchement pendue au poignet comme une arme blanche. Ne s’empare pas encore du pauvre stylo de plastique bic inerte posé nu./Cette main seule en ce simple appareil. Ce bic net sur le lit. Tout à coup l’une s’empare de l’autre./Et c’est la phrase.

Autres Eaux

poème/des phrases éparses/parfois pas même, des mots/à l’épars du monde entre/un mur un trottoir

visage/à deux centimètres/de ma fenêtre/dans ma faim soudain/à retenir ces amas-là/de feuilles humides

il manque au ciel/le mouvement des grands nuages lents/aux feuilles la lumière/à mon œil aujourd’hui/l’appétit de chercher/le mouvement dans le non mouvement

Pleins Replis

quand l’œil/est neutre encore/que le paysage/est muet//que le monde/feint/de ne point/détenir de secret//c’est que tu/n’es pas/prête

lancer/de boules de neige//l’ennemi à terre/extasié de blancheur

Or âcre

suis/sèche et rêche/même lire là-dessus/ça crisserait

joie des petits/sur la très fine/pellicule de neige/et celle du film qu’ils forment/derrière ma vitre

terrible besoin de dire/mais le dire/n’en ai pas moins terrible/déposé

Né(e)

comme de l’abcès/sort des recès/ce qui doit/afin d’être/enfin soi//naître enfin/à ma terre/première

poème qui dirait/le pourtour du silence/de ce qu’on ne peut plus/désormais/ignorer

tant déployé/mon être/ces temps/comme grand/voile au vent//tant quitté/la côte enfin/et rejoint/ma haute/mer//que peur m’a/prise de ne/plus même m’/apercevoir/sur le coteau//mais !//suis !/sur le bateau !

En vidéo, le Duo Poésik chez « Betty », café littéraire, Paris 20e Ardt →