Vierville, août 2015
– de quoi ai-je peur ?
que le vent, le grand vent
qui m’entraîne dans son courant
aussi m’assèche et me disperse
que les souvenirs ne soient plus
que vieux squelettes déambulant
sans parfums ni âmes d’enfant
que le vent m’entraîne si loin
que je n’y reconnaîtrai rien
– qu’ai-je à craindre enfin ?
je suis la graine, le regain
je suis le vent le pain
je suis la vie
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longtemps
ce matin dans le jardin
sans écrire
c’est que
je rêve de mots
simples comme la pierre
pour dire
les mouvements intérieurs
strates de silences et de peurs
d’audaces de bonheurs
tout cela parfois
en même temps
je le comprends
les nomme
et les reprends
et les nomme
encore
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le jardin de Normandie l’enfant joue dans les cailloux blancs
aux voitures aux bombardiers aux dragons on ne
sera jamais les mêmes d’un été à l’autre même
si le mur hisse toujours son gris et la forêt son vert derrière on ne
sera jamais les mêmes leur constance me dispense d’en faire
autant je suis le courant
du temps
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poème
de chair
et de pierre
c’est l’oiseau
qui se pose
sur le mur
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l’après-midi
se penche vers son milieu
quelque chose
dans le silence
est moins silencieux
une dilatation de l’air plus présent
les sons se défigent
se diluent dans le bleu
moins bleu du ciel
un avion passe
au loin un tracteur
la vie humaine
et animale
ose de nouveau
s’insérer
dans le sacré
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certains matins suis
pure incantation
pur sang
pur chant à la vie
en totale confiance
puisque – chance !
c’est la vie même
qui me l’inspire
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matin
sur le chemin
une vieille passe son seul mouchoir à la main
elle m’aperçoit dans le jardin – hoche la tête
sans changer la gravité de son visage
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bu léché la dernière goutte
de ces instants dans le jardin
irrigué par les vents
comme par le sang
du monde
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© Albert Marquet, Brume à Laperlier